Les femmes ont la fibre artistique plus sensible que les hommes. Souvent plus fines et intuitives, au point d’être hypersensibles, leur émotivité peut -- plus facilement que chez les hommes --, se révéler dans leurs actes et leurs paroles. Or, c’est ce qui, précisément, les rapproche de la vie artistique !
Toutefois, pour devenir une artiste digne de ce nom, une femme rencontre souvent plus de difficultés qu’un homme, étant donné que -- s’agissant de la volonté de s’exprimer par son art --, il arrive qu’elle soit moins persévérante et moins confiante en soi. Or, comme la création artistique requiert passion, courage et force de caractère, la femme pourrait être désavantagée par une fragilité susceptible de conférer à ses oeuvres un caractère futile ou étriqué. Il est donc plus difficile pour une femme de percer dans le milieu artistique.
　　Par contre, nous avons, en la personne de Angélique Shidi, une artiste qui a su saisir sa chance : chez elle, finesse et sensibilité féminines se marient à une force de caractère et à une confiance en soi toutes masculines. Ainsi, lorsqu’elle s’adonne à son art, elle le fait avec une vitalité et une sérénité indicibles. Le regard du coeur libère, cela est dans sa nature. De tels avantages, les détenteurs d’un savoir durement acquis ne peuvent que les lui envier, non sans quelque exaspération.                                                   
　　Un jour, j’ai vu Angélique Shidi tout absorbée par la représentation d’une bague. Vue sous un certain angle à la lumière de la lampe, la structure circulaire de celle-ci pouvait paraître un peu complexe du fait du rapport entre la perspective et les zones d’ombre et de lumière. Comme elle semblait un peu agacée, je dessinai la bague en lui expliquant qu’une meilleure compréhension simplifie le problème. « Oui, oui !, me dit-elle tout heureuse, c’est plus simple quand on a compris. C’est comme ça, n’est-ce pas ? Je sais maintenant la dessiner ! Au fond ce n’était pas si difficile que ça ! » Je me mis moi aussi à rire et lui dis : « Tu as dû garder quelque chose de la mentalité enfantine pour te réjouir à ce point de ce petit détail et devenir tout d’un coup si sûre de toi-même ! »
　　Durant la période du Sras, plusieurs mois avaient passé sans qu’on se soit vus. Alors, qu’elle ne fut pas ma surprise de constater qu’elle en avait profité pour réaliser, comme d’un seul jet, un grand nombre d’aquarelles hautes en couleurs et riches en nuances ! « Mais comment as-tu pu travailler aussi vite ? » lui ai-je demandé. A quoi, elle répondit, un peu confuse, en haussant la voix : « Bah ! j’ai gribouillé ça au hasard ! Je peins pour m’amuser et pour regarder ensuite ce que j’ai fait. » Je dois dire que j’étais loin de m’attendre à un travail d’une telle qualité : que de vigueur et d’aisance dans le maniement du pinceau, laissant de vastes trainées de couleurs sur les grandes feuilles de papier où l’eau et la peinture s’étaient répandues et mariées en une poésie de rêve… Ces dizaines d’aquarelles avaient été réalisées à l’emporte-pièce, par de puissantes touches d’un naturel inné, sans la moindre préciosité, si bien qu’à première vue, on aurait pu croire avoir sous les yeux un ouvrage de maître. « Par les temps qui courent, lui dis-je, les prodiges se révèlent sans prévenir, si bien que nous autres, professionnels des Beaux-Arts, pouvons nous demander sur quoi nous compterons demain pour gagner notre bol de riz… »
　　Peindre sur l’impulsion du moment, par fantaisie, telle est Angélique Shidi. Et dans la vie elle se conduit de la même manière. Peindre la remplit de joie et, pour elle, vivre est aussi une joie. Au fond, n’est-ce pas en cela précisément que réside la signification originelle de l’art !
　　　　　　　　　　　　　　　　　　　　　Tr. Lin Xi                     
Pan Gongkai Directeur de l’Institut Central des Beaux-Arts professeur, artiste, vice-président de l’Association des Artistes des Beaux-Arts de Chine
 

作者：Gongkai,Pan